Antonella, le délicat exercice de l’autorité
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Antonella n’aurait « naturellement » jamais pensé devenir moniale. « Les femmes dans les monastères, cela me semblait des êtres éthérés, lointains. » Il est vrai que la vice-prieure, la cinquantaine, des yeux directs, une silhouette sportive, légèrement courbée, fonceuse presque, donne d’emblée le sentiment d’avoir les pieds « dans la glaise ».
C’est bien d’ailleurs ce qui lui a plu à Bose : une « adhésion à la réalité », comme elle le dit joliment. Après des études en agronomie et une longue expérience auprès des immigrés, Antonella était en recherche d’une forme d’engagement religieux. La vie monastique de Bose, dépouillée, avec « sa profonde humanité », la séduit.
LES PIEDS SUR TERRE
« Les formes de vie religieuse féminine, surtout en Italie, sont très spiritualisées, reprend-elle. La femme doit symboliser la pureté, un féminin idéalisé, au-delà des contingences de la vie. » Tout le contraire de Bose, qui, à ses yeux, permet de vivre la radicalité de l’Évangile, d’une manière pleinement humaine. « D’ailleurs, dans l’histoire plus ancienne, la femme doit beaucoup au monachisme. Ce fut souvent un lieu d’épanouissement dans une société très masculine. »
Les pieds sur terre, c’est aussi nécessaire lorsque l’on est responsable d’une trentaine de moniales, comme Antonella. Car si Bose est une seule communauté, avec un seul prieur, il y a deux entités distinctes, les frères et les sœurs, chacune sous la responsabilité d’un vice-prieur. D’où une charge double : maintenir l’unité des femmes et aussi réussir à vivre une complémentarité avec les hommes.
Un exercice d’équilibriste qui demande de larges épaules. « La vie communautaire, c’est une fatigue de tous les jours », laisse-t-elle échapper, avant de poursuivre, dans un sourire : « Il n’est jamais facile, pour une femme, d’obéir à une autre femme… »
« JE NE SUIS PAS LEUR MÈRE ! »
Un exercice qui n’est pas sans risque, dans une société fermée comme un monastère. « L’autorité, ce n’est pas un pouvoir, c’est un service : il faut faire des compromis, on perd toujours quelque chose de soi-même », ajoute-t-elle. Le seul objectif, c’est d’aider chacune à vivre l’Évangile. Et« le grand danger, c’est de préférer être aimé qu’obéi ».
Les jeunes femmes qui entrent aujourd’hui sont assez mûres, elles ont fait des études supérieures. « Il est important de les aider à devenir libres, à savoir dire non. » Et de ne pas se laisser embarquer dans une relation trop affective, avec tous les risques de manipulation : « Je ne suis pas leur mère ! »
Pour Antonella, cela passe par une formation poussée des moniales, qui éduque à la liberté. Elle insiste sur ce qui est avant tout de sa responsabilité : « Le premier qui doit savoir travailler sur lui-même pour éviter une relation faussée, c’est celui qui est en situation d’autorité. »
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